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Une culture scolaire commune est construite de l'école élémentaire jusqu'au collège. Les méthodes et outils pour apprendre font partie de cette culture et le numérique est en voie de complètement les transformer. Interactivité, clarification des informations et pratique facilitent l’engagement des étudiants. Le numérique peut aussi contribuer à la mémorisation, à la différenciation des parcours et à la personnalisation des enseignements. Dans quelle mesure, à partir de quand et à quelle intensité ? Des recherches et des expérimentations réussies nous ouvrent des pistes. Comment s’y prendre ? Quelles défis rencontrez-vous ?

Pour aller plus loin : Apprendre à apprendre, quelle place pour le numérique ? http://cursus.edu/dossiers-articles/articles/277... - Par Michèle Drechsler

Michèle Drechsler est inspectrice de l’éducation nationale conseillère TICE auprès du recteur dans l'académie Orléans-Tours. Elle est chercheuse associée au laboratoire CREM de l'Université de Lorraine. Ses recherches portent sur l'utilisation des technologies dans l'éducation au service des apprentissages, les pratiques éducatives libres, le développement d'une «open innovation» pour l'éducation.

Mme Drechsler est également membre titulaire du conseil national de l'innovation pour la réussite éducative pour le Ministère de l'éducation nationale.

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Ibrahima Barry Gassama

Le numérique ne constitue t-il pas plutôt un frein à la mémorisation en ce sens que l'élève au lieu d'apprendre peut se servir de google pour répondre à toutes questions qui lui sera soumises?

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Rochane

Bonjour Michèle, Pourquoi beaucoup d'enseignants continuent à penser que le cœur ou l'essentiel d'un dispositif d'apprentissage se trouve dans la qualité de la ressource pédagogique au détriment des activités ou des interactions voire des productions ? Ce qui n'aide pas forcément au choix de l'outil numérique le plus adapté....

Une ressource numérique est forcément utilisée dans un contexte donné avec un objectif donné. La notion de « contexte d’usage » est importante. « La valeur » d’une ressource dépend de l’usage qu’on en fait dans un contexte donné. Quelle est la place de l’enseignant ? Quelle est la place de l’élève ? Quelle est activité ou la tâche demandée aux élèves ?
Pour le déroulement de la semaine n°5 du MOOC autour des ressources libres et la pédagogie, j'ai présenté les travaux de Grainne Conole, chercheuse qui travaille dans le domaine de l'intégration des ressources numériques en pédagogie. Cela peut répondre à ta question. Pour cette chercheuse, s'il nous faut intégrer des ressources dans la médiation de son enseignement dans sa pratique quotidienne, il est primordial de poser le focus autour de conception de l'apprentissage intégrant les ressources numériques, matières de base pour la scénarisation des situations d'apprentissage. Comme le précise Conole et comme je l'ai présenté dans le module 5 du MOOC, il est crucial de représenter visuellement la conception de l'apprentissage, pour rendre le design explicite et partageable dans une communauté d'enseignants.

L'enseignant devient le « designer » ou concepteur de scénarios pédagogiques avec des ressources numériques.
Le nouveau référentiel de compétences en France de Juillet 2013 ( Point 9) met en évidence le rôle central de l'enseignant qui doit savoir intégrer les éléments de la culture numérique nécessaires à l'exercice de son métier. On précise qu'il doit être capable de tirer le meilleur parti des outils, des ressources et des usages numériques, en particulier pour permettre l'individualisation des apprentissages et développer les apprentissages collaboratifs. Il doit aider les élèves à s'approprier les outils et les usages numériques de manière critique et créative.

Comme le précise Grainne Conole dans son article en 2013, il n’en demeure pas moins qu’un écart demeure entre ce potentiel et l'utilisation réelle qui est faite des technologies. Les enseignants sont désorientés par la pléthore d'outils et n'ont pas les compétences numériques requises pour prendre des décisions éclairées en matière de "design" lorsqu’ils cherchent à créer des interventions d’apprentissage authentiques et engageantes.

Un des principes clé de la conception pédagogique consiste à rendre le processus de conception plus explicite et partageable. En termes de recherche et de développement, la conception pédagogique peut être considérée comme un domaine qui comprend à la fois la collecte de preuves empiriques pour comprendre le processus de conception, ainsi que le développement d'une gamme de ressources, d’outils et d’activités de conception pédagogique. Conole définit comme suit la conception de l’apprentissage avec le numérique :
« Une méthodologie qui permet aux enseignants et aux concepteurs de prendre des décisions plus éclairées quant à la manière dont ils se représentent le design des interventions et des activités d'apprentissage, une méthodologie qui est à la fois mieux étayée en termes de pédagogie et qui utilise de manière efficace les ressources et les technologies appropriées.

La conception pédagogique (le learning design aussi traduit par conception de l’apprentissage) s'est développée comme un moyen d'aider les enseignants à faire des choix éclairés en termes de création d'interventions d'apprentissage qui sont pédagogiquement efficaces et utilisent efficacement les nouvelles technologies. Les représentations de la conception pédagogique permettent aux enseignants de documenter, de modéliser et de partager leurs pratiques d’enseignement. C'est approche est congruente avec la recommandation suivante de Keppell et al. (2011, emphase ajoutée) :
« Les enseignants universitaires devraient être encouragés à modéliser et à partager les conceptions pédagogiques au sein de leur propre université, avec les institutions partenaires, les colloques et les conférences de l'enseignement supérieur (Recommandation 8). »

Un outil pour représenter la conception de l'apprentissage

Par exemple CompendiumLD est un outil de conception pour la scénarisation pédagogique et a un intérêt pour visualiser la place de l'enseignant, l'activité de l'élève, la tâche qui lui est demandée. C'est un logiciel pour la conception des activités d'apprentissage en utilisant une interface visuelle flexible. Il est conçu comme un outil pour soutenir conférenciers, enseignants et autres personnes impliquées dans l'éducation pour les aider à exprimer leurs idées et tracent la conception ou de la séquence d'apprentissage. Les commentaires des utilisateurs suggère le processus de visualisation de conception rend leurs idées de conception plus explicite et souligne les questions qu'ils peuvent ne pas avoir remarqué autrement. Il fournit également un moyen utile de représenter leurs conceptions afin qu'ils puissent être partagés avec d'autres.

L'activité réflexive et la communication

Il est important que les enseignants puissent être amenés à faire un retour réflexif sur leur pratiques

- lors des observations de séances (visite de classe, d'inspection, évaluation d'école)
- échanges entre pairs dans le cadre d'activités collaboratives et de partage
- lors des formations hybrides. Un temps pourra être consacré pour expérimenter le "design" que l'on aura prévu, imaginé, mis en place.
- Un temps de partage des pratiques pour mobiliser toutes les analyses réflexives et aboutir à une petite synthèse pour son portfolio, ou pour le "journal des pratiques". Un temps d'écriture (storytelling ou autre maquette souple) même s'il est réduit pour produire un simple document A4 peut nous aider à formaliser des scénarios, à mener une réflexion sur sa pratique. L'écrit, dans ce contexte est un acte professionnalisant autour de l'usage du numérique dans différents contextes.

Pour finir, je propose quelques pistes pour mieux formaliser les dispositifs intégrant le numérique s'inspirant des travaux de Grainne Conole de l’Open Université pour représenter visuellement la conception de l'apprentissage, pour rendre le design explicite et partageable.

Pour en savoir plus
http://ecoledigitale.blogspot.fr/2014/04/clomrel...

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27/09/2016 10:50
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Michèle Drechsler

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Thot Cursus

Vous visitez des dizaines de classes à chaque année. Vous constatez sans doute de grands écarts dans l'utilisation des technologies dans l'enseignement. Considérant un accès potentiel similaire aux technologies, quels sont les principaux facteurs qui expliquent ces écarts : l'intérêt du professeur ? sa compétence avec les technologies ? le support de son administration ? une culture de l'innovation dans l'institution ? ... Quoi d'autre ?

Nous pouvons noter encore des disparités des équipements sur les territoires. Après le plan ENR (Ecole numérique rurale, le plan DUNE et le plan numérique actuel, nous pouvons constater que le taux d’équipement progresse.
Si la refondation de l’école est en marche, mobilisant l'ensemble de tous ses acteurs autour de la réussite des élèves, il est important de rappeler que cette refondation est fondamentalement pédagogique. Elle doit permette à tous les élèves de "mieux apprendre pour mieux réussir". Le numérique peut en être une des clés, le développement des usages du numérique nous obligeant à repenser la pédagogie en proposant de nouvelles formes d'enseignement et d'apprentissage au bénéfice des élèves. A ce titre, au-delà du problème des équipements, il est crucial que les enseignants s’emparent du numérique (au même titre d’ailleurs que tout matériau didactique utilisé comme « média » dans un contexte de classe et qu’ils connaissent les usages pédagogiques que l’on peut en faire pour « augmenter » la pédagogie, développer les espaces personnels d’apprentissage avec efficacité. Les enseignants sont obligés de se poser la question de pouvoir intégrer le numérique au service des apprentissages au niveau des disciplines mais aussi autour d’une nouvelle didactique : « apprendre à apprendre. », autour de l’éducation aux médias incitant les élèves à devenir des producteurs.
Comme je l’avais déjà précisé dans mon article « La tablette fait son entrée à l'école ... Une frénésie justifiée ? », au-delà des phases de prise en main et des considérations techniques qui sont parfois chronophages, il s'agit bien désormais d'engager des pratiques pédagogiques innovantes s'appuyant sur le potentiel cognitif des tablettes tactiles. Comme le précise l'UNESCO dans son rapport (2013, p 9), « la technologie mobile n'est pas et ne sera jamais la panacée éducative. Mais elle est un outil puissant et encore trop souvent ignoré, un outil parmi d'autres pour l'éducation ». Les potentialités pédagogiques ne tiennent pas uniquement dans une tablette mais dans la façon dont on s'en sert. La place et le rôle du maître restent essentiels. L'accompagnement des équipes est nécessaire et les inspecteurs jouent un rôle important avec les équipes de formateurs.

Comme annoncé, le plan numérique s'appuie sur les trois piliers de la formation, des ressources et des équipements. Dans le cadre de la mise en place des nouveaux programmes scolaires qui entrent en vigueur cette année simultanément sur l'ensemble des années de scolarité obligatoire, il est important de s’interroger sur la place du numérique au service des apprentissages, sur la gestion des de l'apprentissage du code, de l'informatique, de l'éducation aux médias et à l'information ... et d’accompagner les équipes pédagogiques.
Comme le précise le recteur Jean-Marc Monteil dans la dépêche AEF du 10 Juillet 2015, avec le numérique, l’enjeu est de penser des « contextes variés d’apprentissage ». « L’idée du socle
commun de culture générale de tous les élèves, les enseignants, les citoyens est d’autant plus important qu’il est indispensable de se familiariser avec et de s’approprier la place du numérique dans le couple enseigner/apprendre ». Pour ce faire, il est important de renforcer les missions des corps d’inspection afin de les conduire vers l’accompagnement d’équipes, la construction de compétences individuelles et collectives et la valorisation des compétences à faire réussir tous les élèves via le numérique. Le développement d’espaces de travail collectif, de co-intervention, les parcours hybrides, les activités collectives autour de la FOAD (formation ouverte et/ou à distance), les entretiens, les visites de classe, l’accompagnement et le suivi des projets numériques sont cruciaux pour accroître la réflexivité des enseignants autour des pratiques avec le numérique. Il est important de développer les compétences de l’enseignant comme « praticien réflexif » capable d’analyser sa pratique autour des usages du numérique, de résoudre des problèmes liés au design pédagogique, aux situations d’apprentissage comme je l’ai développé lors du MOOC (semaine 5) http://rel2014.mooc.ca/
http://ecoledigitale.blogspot.fr/2014/04/clomrel...
Notons que les usages de ces outils numériques peuvent aussi se construire collectivement par une communauté d’enseignants qui peuvent partager leurs observations, leurs réussites, les pratiques pédagogiques. Les réseaux sociaux peuvent nous y aider. Avec les réseaux sociaux, les enseignants peuvent mener une veille personnelle pour mettre à jour leurs connaissances, connaître le champ des possibles et comme le précise le référentiel des enseignants de « tirer parti des outils, des ressources et des usages numériques en particulier pour permettre l’individualisation des apprentissages, et développer des apprentissages collaboratifs, aider les élèves à s’approprier les outils et les usages numériques de manière critique et créative, participer à l’éducation et à un usage responsable d’Internet et utiliser efficacement les technologies pour échanger et se former ».

27/09/2016 08:44
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Michèle Drechsler