Denis Cristol répond à vos questions sur les communautés d'apprentissage en ligne.
Denis Cristol est directeur de l'ingénierie au Centre national de la fonction publique territoriale, docteur en sciences de l'éducation, formateur et chercheur.
Les communautés d'apprentissage en ligne sont une réalité fréquente en entreprise. Multi-formes, évolutives, spontanées ou formalisées, ces communautés peuvent combler plusieurs besoins de formation. Comment les utiliser, les implanter, les animer...
Voici quelques références pour vous inspirer : http://cursus.edu/recherche/?sousSujet%5B%5D=999...
Benoît Vigour
Quels conseils donneriez-vous pour faciliter l'essaimage des productions d'une CAP ? Merci
Olivier
Bonjour,
Est ce que "l'accompagnateur" (formateur) d'une communauté à distance peut/doit imposer les thèmes des échanges entre les participants/apprenants (exemples : échange de bonnes pratiques - retours d'expériences - sujet technique et/ou comportemental...).
Autre question : doit-on mettre fin à une communauté d'apprentissage ? si oui, quel process conseillez-vous ?
Le facilitateur d'une communauté d'apprentissage à distance se met au service du collectif. Il la facilite et aide à sa cohésion. Les thèmes qui se traitent varient en fonction des étapes de vie de la communauté. Au début des questions sur les objets de travail, la gouvernance, la structuration du groupe, le recrutement des leaders se posent, puis viennent les questions de régulation des tâches, de création d'interactions, enfin de capitalisation, de poursuite des échanges.
Le facilitateur doit avoir des qualités de :
- leadership (envie de faire grandir les autres)
- pédagogie et qualité d'écoute
- créativité
- ténacité, rigueur
- capacité d'anticipation des attentes
Ces compétences sont à développer par le facilitateur et à encourager chez les autres tout au long de la vie de la communauté. Lorsque la communauté affaiblit son niveau d'échange à un volume très faible, il est possible et préférable de mettre fin à la communauté en l'annonçant tout simplement et remerciant tous les contributeurs en rendant accessible toutes les ressources produites.
Denis Cristol
Bernard Dupriez C.A.F.É
Ce que la communauté d'apprentissage enseigne de soi est la capacité de communiquer en groupe. Quelle est encore, dans ce cadre, l'importance d'une connaissance minimale du français écrit? Faut-il encore pratiquer le subjonctif, ou le passé simple, ou distinguer les nuances terminologiques, et la composition des mots savants les plus précis?
La communauté d'apprentissage en ligne est une transformation de la relation de celui qui reçoit et de celui qui donne. La maîtrise de l'écrit est un point important. Une connaissance minimale de l'expression écrite permet de communiquer. On n'utilise guère le subjonctif ou le passé simple à l'oral, Encore moins en ligne. La précision des termes est importante mais c'est surtout coller aux attentes et demandes des autres avec une grande réactivité qui permet de créer un flux d'échanges. L'enjeu est de rebondir et de garder une tension dans l'échange pour que chaque participant ait le sentiment que la communauté progresse et se développe.
Denis Cristol
Anonymous
Bonjour,
Selon vous, quelle est la taille optimale d'un groupe en formation à distance pour pouvoir créer justement cette "communauté" ? En présentiel ?
Par ailleurs, dans l'idéal, quel type "d'accompagnateurs" est nécessaire et combien en faut-il au démarrage ? Pour "l'entretien" ? À l afin de la formation ?
Merci de la réponse.
Un groupe physique commence à se fragmenter au-delà de 12 participants (observation classique en sociologie pour l'apparition de sous-groupes et d'opinions divergentes). Des sous-groupes se créent. En ligne, ce qui est intéressant c'est la vitalité des forums et des échanges. Ceux -ci sont plus réguliers entre 500 à 5000 participants, mais on parle plus de réseau que de groupe et la nature des échanges et parfois tout azimut. Pour parler de groupe, il est nécessaire d'avoir une cohésion et un sentiment d'appartenance, des réflexes communs, des rituels d'interaction, des habitudes : ces éléments gagnent à être construits en relation physique pour gagner du temps. Un groupe de toute petite taille peut aussi s'apporter mutuellement beaucoup à la condition que les membres apprennent à se parler, rebondir les uns sur les autres, s'entraider et coopérer. Le type d'accompagnateur est une personne qui est personnellement investie dans le thème du groupe et dispose de beaucoup d'intérêt et d'un minimum de réputation sur le fond du sujet à traiter. Il doit encourager la participation et la co-formation entre les membres, c'est l'inverse d'un "Mooc-hero", il est en retrait sur le fond mais facilite l'apparition de leadership en encourageant les initiatives, les rebonds et mutualisation entre membres. Il revient sur l'intérêt du groupe pour tous les membres. Quand la dynamique prend bien le mode de facilitation peut progresser d'une animation individuelle à une co-animation puis une animation tournante basée sur les intérêts des participants
Denis Cristol
Elodie CABRE
En tant que service formation continue en entreprise, peut-on créer des communautés d'apprentissage en ligne ou faut-il laisser les opérationnels s'en emparer et les créer de manière autonome?
Bonjour,
Un service formation continue peut créer les conditions pour favoriser l'éclosion d'une communauté d'apprentissage. Il s'agit de repérer les personnes passionnées ouvertes sur les autres et à l'aise en ligne - je les nomme des socionautes - leur donner la possibilité et les moyens de se réunir et les encourager si elles le souhaitent vraiment à organiser leur dynamique. Le nombre est moins important que la motivation. Au début le temps à passer à se construire en tant que groupe peut être élevé, c'est pourquoi une aide externe peut venir en appui. L'intention doit vraiment être portée par les opérationnels. Si c'est une volonté d'un service formation ou d'une Direction Générale, les personnes ne seront peut être pas aussi actives que si elles ont des problèmes concrets à résoudre. Un temps "hors ligne" peut être nécessaire pour construire de la relation qui sera ensuite en ligne.
Denis Cristol
Rochane
Un groupe ou une classe en formation interagissant en présentiel et/ou à distance. Peut-on les considérer comme des communautés d'apprentissages ?
L'idée de communauté d'apprentissage peut être avancée à partir du moment où il y a une intention commune d'apprendre les uns avec les autres. L'idée de faire communauté ne se décrète pas. Il faut bien plus qu'un community manager ou un professeur. La culture commune d'apprentissage à installer peut prendre beaucoup de temps. Elle part souvent d'une question authentique que se pose les participants et qui les relie. Puis un langage, une culture commune se crée. Une interdédendance mutuellement positive s'installe. C'est à ces conditions que l'on peut dire que l'on passe d'une classe ou d'un groupe à une communauté qui fait de l'apprentissage son projet commun
Denis Cristol
jean Baptiste VOLCIMUS
Qu'est ce que je dois avoir comme bagage intellectuel?
C'est moins un bagage intellectuel qu'il est nécessaire d'avoir qu'une envie de partager avec les autres. Le numérique implique une charge émotionnelle forte car il n'y a pas de présence humaine pour réguler les émotions ou apaiser les tensions. Chaque mot peut être douloureusement perçu. Il s'agit donc de gérer ses frustrations et d'imaginer les difficultés de l'autre. Il faut donc faire preuve de beaucoup d'empathie et de patience pour créer du collectif en ligne.
Denis Cristol
Denys
Qu'est-ce qui distingue une communauté d'apprentissage d'un forum d'usagers ?
Les communautés d'apprentissage en ligne ne doivent pas être confondues avec des tribus de clients ou des groupes de fans d'une marque. L'intention d'apprendre est un moteur
Denis Cristol